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Toi qui me glace



Je pourrais tout comprendre

Les caresses et les mots tendres

Et ce reflet merveilleux

Qu’elle a posé dans tes yeux

Ce que tu m’as fait - Daniel Fadel



Couchée sur le lit, je me laisse aller aux flots impétueux de mes pensées. Je me demande si j’ai fait le bon choix ; si je ne me suis pas trompée. Je me demande qui je suis. Est-ce que le fait que je l’ai laissé rester avec moi fait de moi une femme faible ? Une femme forte ? Je suis perdue. Perdue entre mille et une variation d’émotions que je ne connaissais pas.

Ce matin, je ne peux pas me lever. Je sens comme un poids. J’ai beau faire, il est toujours là, faisant pression sur ma poitrine et mon coeur. Je me sens étouffer. Et sans même m’en rendre compte, j’éclate en sanglots sans pouvoir m’arrêter. Il essaie de me consoler, mais en vérité, il est la dernière personne que je souhaite voir. Je le repousse vivement et me recroqueville sur moi pour me protéger de ses assauts de bons sentiments et de compassion. Pourtant il n’en avait pas pour moi quand il était avec elle et qu’il l’aimait au lieu de m’aimer moi, qu’il riait avec elle, qu’il dînait avec elle alors que moi j’étais seule, délaissée et sur tous les fronts.

Il revenait chaque soir auprès de moi, embaumer nos draps de son relent d’hypocrisie et moi comme une imbécile je l’aimais éperdument. Je lui trouvais toujours des excuses pour ses nombreuses absences : il est tellement gentil, tu sais… C’est ce que je disais pour le défendre. Mais c’était vrai. J’avais épousé un homme d’une grande gentillesse. Il était disponible pour tous ceux qui étaient dans le besoin. Tellement disponible qu’il jugea bon d’aller aider plus que de raison la voisine. Je sais que j’exagère, mais ces quatre cent mètres en font d’elle tout de même une voisine. Le scandale de cette proximité me fait me demander : peut-être l’ai-je déjà croisée. Je l’ai peut-être même aidée sans le savoir alors qu’elle couchait avec mon mari.

Si on m’avait dit un jour qu’Arthur me tromperait, je ne l’aurais jamais cru. Il aurait fallu que je le voie pour le croire. D’ailleurs cette voix au fond de moi l’avait murmuré un jour en pleine réunion de prière alors que je ne comprenais pas pourquoi il était si distant. Je croyais sincèrement à cette période que j’étais le problème. Ce soir-là je me suis flagellée d’avoir eu de telles pensées, de l’avoir accusé lui qui était toujours si parfait.

J’ai commencé à avoir des soupçons un jour de mars. Je ne comprenais pas qui était cette Amandine que je n’avais jamais rencontrée. Elle ne travaillait pas avec lui, n’était pas non plus à l’église. Son existence m’apparaissait comme un mystère… Mais c’était Arthur : Arthur faisait tout à merveille !

Je n’ai eu besoin que d’un indice pour comprendre. Un jour que je rentrais de l’école avec les enfants, sa voiture était garée là, à vingt mètre du bar tabac. Je ne l’avais pas remarquée au début. C’est Eric, mon dernier qui l’a vue en premier. Étonnée je suis revenue sur mes pas : je devais lever le voile sur mes soupçons…

Quelques heures après, alors que les enfants étaient couchés et que je songeais encore à cette voiture, je l’ai appelé. Je feignais d'être inquiète qu'il boive trop et se mette en danger sur le retour. Je me souviens encore du son de son rire ce soir-là. Il m’assura qu’il ferait attention et qu’au pire il laisserait sa voiture à Chennevières. Pour moi c’en était assez ! Je raccrochai et m’effondrai en pleurs aussitôt.

Je ne sais pas pourquoi sur le coup je ne lui ai rien dit. Mais ce soir où en partant aux urgences, j’ai vu sa voiture garée au même endroit, mon sang n’a fait qu’un tour. Donc moi, dans son plan de vie, quelle était ma place ? J’étais la nounou de ses enfants et celle dont il aimait bien se souvenir une ou deux fois par mois. Je fulminais au-dedans de moi. Mais pire je me sentais sale d’avoir toléré une telle situation dans ma maison, sous le toit où dormaient mes garçons.

Dès que je me suis retrouvée seule, j’ai appelé ma soeur pour la prévenir et quand j’en ai eu la force, je l’ai mis au courant. J’ai été étonnée de le voir débarquer en quinze minutes. Mais cela confirmait mes soupçons.

J’entends la sonnette retentir. Je sais bien qu’il s’agit du pasteur. En pleine nuit je lui ai envoyé un message pour l’informer de la situation ainsi que de ce que j’ai découvert. Comme pour confirmer mes pensées, Arthur m’appelle. Je m'extirpe hors de mon lit avec difficulté. Ma main dolente saisit ma robe de chambre et après l'avoir enfilée je me traîne jusqu'à la salle de bain.

La lumière blafarde d'un matin tristounet éclairé à peine la pièce. Mais je n'y prête pas attention. Je suis subjuguée par mon reflet. L'image de cette femme que je suis devenue. Mais en fait qu'est-ce que tout ça dit que je suis ? Cett question me hante et la réponse tout aussi incertaine me plonge dans une profonde colère.

Je ne suis pas une victime, me dis-je avec véhémence. C'est vrai je ne suis pas une victime, par contre une imbécile… Le coup est violent et me blesse profondément. Je renfrogné mon visage et tente de faire un brin de toilette, mais cette même satanée sensation me saisit. Et je m’écroule sur le sol. Et reste là un moment sans pouvoir bouger. Ne peuvent-ils pas rentrer chez eux ? Seigneur, je ne veux voir personne !

A l’instant même, je ne suis plus seule : je ressens sa présence. Il est là auprès de moi. C’est vrai que ça n’a rien à voir avec l’épaule d’une amie sur laquelle on pleure, ou la douceur des bras d’une mère… C’est plus que ça. Je reconnais dans mon esprit qu’Il ne m’abandonnera pas et que bien que ce soit une épreuve Il demeure avec moi dans cette fournaise.


Ce matin je me suis levée, comme tous les suivants. Encore aujourd’hui, il m’arrive de penser à cette trahison certainement la plus cruelle que je vivrai. Je pourrai dire que chaque jour est un combat, mais en fait, ce n'est pas vraiment cela. Sais-tu que quand tu fixes les yeux sur Dieu, les circonstances n'ont plus du tout le même aspect. Arthur et moi c'est une histoire d'amour imparfaite, un peu à l'image de l'histoire d'amour entre Dieu et Israël. Mais dans cette histoire Arthur et moi sommes tous deux Israël. C'est vrai que moi je ne l'ai pas trompé, c'est vrai que moi je n'ai pas abandonné mon poste, mais qui suis-je pour lui jeter la pierre.

Cette épreuve aurait pu me tuer ! J'aurais pu choisir le matin où nous avons commencé le suivi avec les pasteurs, d'écouter ma colère, mes émotions et ma soif de justice et de reconnaissance, mais le prix de cette poursuite aurait été la fin de mon couple, la chute de ma famille.

Si je te parle aujourd'hui, ce n'est pas pour que tu te dises que je suis parfaite loin de là. Aujourd'hui Dieu ouvre mes yeux sur tant de choses que je comprends qu'en fait je ne suis pas encore arrivée à la perfection. J'ai encore tellement de progrès à faire. Il en est de même pour mon couple et ce que j'apporte dans sa construction.

J'ai choisi de rester avec Arthur, j'ai choisi de mettre ma confiance en Dieu.


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